14 mars – 24 mars 2016. Un vieux van en guise de maison, un bâtiment de bois séparé faisant office de cuisine et de dortoir pour les volontaires, une cabine extérieure en planche comme salle de bain, un poulailler, des ruches, un champ de maïs, un potager, des fleurs, un grand bac à compost, quatre chiens et trois chats : c’est ici, au beau milieu de leurs cinq hectares de terre, que vivent Mauricio et Lorena dans l’attente de la construction de leur maison en dur. Les fondations et le toit sont déjà achevés.

Mais pour l’instant… le couple élabore patiemment son projet, de coup de marteau en récolte, de découpe d’arbre en cuisine de légumes du jardin. Jour après jour, le couple édifie son rêve dans la campagne argentine : une granja organique servant de modèle et d’école pour apprendre cultiver et à apprécier des produits sains. Leur projet a un nom. Celui de leur fille : Rocio. Ils en parlent comme ils parlent d’elle. Avec amour.

Leur habitation est à ciel ouvert. Leur travail, évolutif. Il est rythmé, d’une part par les saisons, qui ponctuent la production agricole, et d’autre part, par les avancées du vaste chantier. C’est à la réalisation du projet de Mauricio et Lorena que nous allons contribuer pour deux semaines.

En ce lundi 14 mars, nous nous remettons tout juste de la nuit passée dans le bus. Le soleil est éblouissant. Nous ne nous attendions pas à cela. Nous déposons rapidement nos sacs dans ce qui sera, pour deux semaines, notre habitation. Une chambre avec trois lits simples superposés. Les chiens nous sautent dessus, avec joie, comme s’ils nous attendaient depuis bien longtemps.

Après une rapide présentation de l’exploitation et de leur projet, Mauricio et Lorena nous invitent à déjeuner des bocadillos (sandwichs) aux légumes du jardin. « Ici, on ne mange pas beaucoup de viande. Une fois par semaine, tout au plus. Mais nous ne sommes pas végétariens. » Le ton est donné. Abrités que nous sommes par le toit de bois qu Mauricio a construit de ses mains, le soleil semble cogner toute la végétation qui se prépare lentement à l’automne. Les chiens aussi sont terrassés. Ils s’allongent à l’ombre. Pour eux, c’est déjà l’heure de la sieste. La sieste : une institution universelle ici après le déjeuner (almuerzo). Un impératif. Le soleil est si fort qu’il rend insoutenable tout travail de la terre. Le labeur s’organise donc en fonction de la chaleur.

Après le repas, nous faisons, nous aussi, la sieste. La pesanteur du soleil ajoutée à la fatigue nous fait tomber comme des masses. Quand nous nous réveillons, c’est une nouvelle semaine qui commence.

Deux semaines de travail

Pendant deux semaines, le travail ne manque pas. Chaque jour, il est intense, physique, mais aussi varié, enrichissant, et source d’une indescriptible satisfaction :

  • transport d’éco-briques faites maison et de palettes devant servir à la construction des murs de la maison ;
  • construction d’un espace de stockage pour le verre et le plastique ;
  • récolte du maïs, sélection des épis dont les grains serviront pour la nouvelle génération, labour manuel du champ de maïs ;
  • transplantation de salades ;
  • tractage d’arbres pour l’alimentation du four (horno) dont Mauricio et Lorena se servent pour faire leur propre pain ;
  • initiation à la biodynamie ;
  • traitement anti-insecte du bois, et peinture sur bois sur tout l’extérieur du bâtiment servant de dortoir aux volontaires ;
  • cuisine du maïs ;
  • confection d’empanadas ;
  • nettoyage du poulailler ;
  • ramassage d’herbes pour le feu et la construction.

Deux semaines de découvertes et de rencontres

Cette expérience fut l’occasion de faire de belles rencontres, aussi intenses que fugaces. Ces deux semaines de travail chez Mauricio et Lorena furent l’occasion de faire la connaissance de personnages hauts en couleur : Nicole, volontaire allemande, Liz, volontaire américaine, Ferdinand (ou Ferdi), volontaire allemand sur une autre finca.

Les découvertes n’ont pas manqué : nous avons mis à profit la fin de la première semaine de travail pour aller découvrir les Andes. Un trekking d’une journée au Manzano (Le Pommier, littéralement). Cette localité doit son nom à la sieste qu’y fit, allongé contre un pommier et voilà de cela deux siècles, San Martin, de retour de sa campagne de libération du Chili.

Quelques heures intenses de marche, de crapahut sur les crêtes andines, donnent aussi leur lot de plaisirs simples. À la clé : des paysages spectaculaires, entre ceux d’un western et de « 7 ans au Tibet ». Certains chemins ont même des allures de Muraille de Chine. Au milieu des chèvres, des cactus, nous suivons les traces du crottin des chevaux de quelques gauchos passés par ici pour aller récupérer quelque animal. Des perdreaux étonnants s’envolent à nos pieds dans les buissons. Nous nous élevons, avec un sommet en ligne de mire. Un sommet qui est aussi intérieur. Nous mesurons l’immensité du monde. La majesté de la nature. Notre petitesse. Mais aussi, en respirant l’air glacé qui nous parvient du Tupungato enneigé, nous mesurons le chemin que nous avons parcouru en quelques jours à peine. Tant de bouleversements, à travers le partage d’un autre mode de vie.

Deux semaines d’échanges enrichissants

Au cours de ces deux semaines, nous avons échangé sur des sujets aussi divers que :

  • le rapport de l’homme à la nature, l’alimentation, l’agriculture, et la responsabilité individuelle face au monde ;
  • les énergies, le magnétisme et la biodynamie ;
  • les astres, les planètes et le lien des hommes avec le cosmos ;
  • la vie animale et végétale, la puissance du rêve, la mort, l’au-delà ;
  • les hommes et femmes dans la société, la société de consommation et le coeur de l’homme ;
  • les religions, la spiritualité, les mythes et prophéties andines.

Bien des fois, au cours d’un repas, nous avons songé à prendre des notes sur nos discussions avec Mauricio et Lorena. Des échanges qu’il nous est impossible de résumer, parce que nous avons fait le choix de les vivre « à chaud », sur le moment. Des échanges pas simplement fondés sur des idées, des concepts, mais fondés sur l’expérience de Mauricio et Lorena. Des échanges sur des principes de vie que le couple ne se contente pas de promouvoir par la parole, mais cherche à mettre en pratique dans sa propre vie. Leur exemple force notre respect.

Mais déjà, il nous faut reprendre la route. Pour Mendoza. Au moment de partir de Colonia Las Rosas, le 24 mars, une certitude nous anime : nous ne sommes plus les mêmes. C’est plein de ce sentiment que nous nous en allons vers d’autres aventures… Sans encore savoir comment nous allons vivre ce retour à la ville.