18 juin 2016. De toutes les perles du Japon, le Mont Fuji est sans doute la plus vénérée. Combien de peintres ne l’ont-ils représenté dans leurs estampes ? Combien de poètes ne l’ont-ils célébré dans leurs haïkus ? Combien de Japonais ne se sont courbés devant sa grandeur ? Fuji-san est l’âme, faite montagne, du Pays du Soleil Levant.

Le japonais fait figure d’exception au Royaume des idiomes, en ce qu’il mêle des logiques linguistiques de natures différentes. En effet, il utilise d’une part des idéogrammes (des « kanji »), bien souvent très proches des caractères chinois, mais également deux alphabets syllabiques constitués chacun de 46 éléments (les « hiragana » et les « katakana »). En outre, sont également utilisés quotidiennement les « romaji » (alphabet romain) et les « arabia-suji » (chiffres arabes). Ainsi, il est courant qu’une même phrase japonaise comprenne l’ensemble de ces systèmes d’écriture ; le décryptage requiert alors une gymnastique cérébrale toute particulière, où les deux hémisphères sont utilisés : le gauche, pour déchiffrer les « kanji », associés à des dessins, et le droit, pour les différents types d’alphabets (« hiragana », « katakana », « romaji »).

Nous avons acquis ces modestes notions de la langue japonaise via quelques cours en ligne, animés par un cyberprofesseur aux allures de manga. Des bases humbles, mais utiles, qui nous ont par exemple permis de constater que la phonétique du terme « san » pourra désigner à la fois « montagne » mais également faire référence à une forme de politesse, à apposer derrière un nom, et que l’on pourrait traduire par « Monsieur ». Ainsi, à l’oreille, « Fuji-san » pourra signifier Mont Fuji aussi bien que Monsieur Fuji. Une homophonie qui nous semble appropriée, quand on sait tout le respect qu’inspire Fuji-san, et combien il a été personnifié à travers les siècles.

D’où provient la mystérieuse aura entourant Fuji-san ? Tire-t-il son énergie de sa stature imposante, qui, avec près de 3800 mètres d’altitude, fait de son sommet le point culminant du Japon ? Respecte-t-on Fuji-san car on se souvient que ce volcan, dont la dernière éruption date de 1708, pourrait faire entendre un jour encore son grondement divin ? Son caractère sacré émane-t-il de la symétrie quasi-parfaite de son cône et de la douce régularité de ses pentes, qui incarnent pleinement les valeurs japonaises traditionnelles de mesure et d’équilibre ? Sans doute est-ce un peu de tout cela.

Un pèlerinage de 6 heures autour de Kawaguchiko, le plus grand des cinq lacs bordant Fuji-san, nous permettra de l’admirer à loisir et de nous imprégner de sa majesté. Car nous le mesurons par nous-mêmes : le simple fait de faire partie de cet environnement nous apaise, nous parle, nous porte. Nous ressentons au fond de nous même un mélange de sérénité et d’harmonie qui nous procurent une confiance en l’Existence, et, grâce à cette énergie qui nous habite, il nous semble soudain saisir l’un des piliers de la philosophie Shinto japonaise : le respect de la Vie. Le respect de cette Nature qui avance, procède sans juger ; une Nature qui, dans un cycle infini, meurt, renaît, demeure.

A l’aune de cette compréhension nouvelle de l’une des facettes du Japon, nous nous apprêtons à en expérimenter une autre, d’un caractère bien différent : les hôtels capsules ! Impossible de passer par le Japon sans vivre cette expérience. En entrant dans la salle qui regroupe la quarantaine de cabines alvéoles, et dans laquelle nous nous apprêtons à passer le nuit, nous avons l’impression d’être entourés de fenêtres de machines à laver sur trois niveaux. Après avoir pénétré dans l’antre de la capsule, en rampant avec toute la grâce et l’agilité qui s’imposent, il est possible de s’allonger sur un matelas fin de type futon et de bénéficier de toutes les commodités offertes par l’endroit : à savoir, une petite veilleuse pour pouvoir lire, une prise électrique à la hauteur du visage, et une télé suspendue ne fonctionnant pas. Il n’y a pas à dire : l’ambiance est unique, et contre toute attente la nuit est bonne ! Peut-être le sentiment de se trouver dans une cabane ravive-t-il en nous le souvenir des cachettes de notre enfance ?

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