L’association Дети Павловска (« Kids of Pavlovska »), créée il y a seulement 3 ans à Pavlovsk, en périphérie de Saint-Pétersbourg, est un train de relever un défi : construire une vision positive du handicap dans un pays où la question a longtemps été tabou, œuvrer pour l’insertion de personnes handicapées, et développer un modèle économique original.

Dans une Union Soviétique où toute imperfection se devait d’être enrayée, et qui se targuait sans cesse de disposer d’une population saine et forte, les personnes handicapées ont longtemps été cachées, isolées du monde. L’URSS, organisatrice des Jeux Olympiques en 1980, avait même refusé d’accueillir les Jeux Paralympiques, arguant qu’elle ne disposait pas de suffisamment de personnes en situation de handicap pour constituer une équipe. Coup du sort, 36 ans plus tard, alors que l’intégralité de son équipe est exclue des Jeux Paralympiques de Rio, la Russie va soutenir ses athlètes handicapés avec ferveur et organiser ses propres Jeux Paralympiques, sur son territoire.

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La Russie a parcouru beaucoup de chemin depuis la chute de l’URSS ; toutefois, elle demeure malgré tout héritière d’une certaine vision et de certains procédés concernant le monde du handicap. Selon l’ONG « Human Rights Watch », 30% des enfants handicapés russes vivent dans des orphelinats d’état, que leurs parents soient en vie ou non ; nombre de ces orphelinats sont en réalité des institutions datant de l’ère soviétique, isolées des villes, où la politique est davantage au placement des enfants qu’à un véritable travail d’insertion et d’éducation leur permettant de s’intégrer dans la société. La même ONG a publié en 2014 un rapport alarmant sur les mauvais traitements subis par les enfants dans ces institutions.

L’orphelinat de Pavlovsk est le plus grand orphelinat d’état de Russie, accueillant aujourd’hui près de 400 enfants. Lorsqu’ils atteignent l’âge de 18 ans, ceux-ci sont transférés dans l’un des 10 instituts pour adultes handicapés, eux-aussi situés à Pavlovsk. L’orphelinat ne dispose pas en lui-même de programme éducatif pour les enfants accueillis, mais plusieurs associations annexes ont essaimé, pour animer le quotidien des enfants et leur permettre de s’épanouir par des activités artistiques ou sportives.

Il a toutefois fallu attendre la création de l’association « Kids of Pavlosvka », il y a trois ans, pour qu’un véritable travail autour de l’insertion des enfants de cet orphelinat soit amorcé. L’association oeuvre en complémentarité avec ses homologues, mais à la différence de ces dernières, elle s’inscrit également dans une vision de long terme. En effet, l’objectif de « Kids of Pavlovska » est d’offrir une perspective d’avenir aux enfants de l’orphelinat, de prouver que le placement dans un institut pour adultes handicapés n’est pas la seule issue possible, mais qu’ils peuvent prétendre à une vie autonome, avec un logement à eux et un emploi.

Dans la pratique, l’association effectue un travail d’information pour expliquer aux enfants les aides auxquelles ils peuvent prétendre, et ce à quoi ils ont droit. En effet, peu d’entre eux savent que l’état russe met à disposition des logements pour les personnes en situation de handicap, et que des centres de travail adaptés existent. L’association règle également les démarches administratives permettant à ces aides d’être accordées. Aujourd’hui, parmi les 17 enfants ayant été pris en charge dans l’association, 7 ont leur propre appartement et 4 disposent d’un travail dans une structure adaptée à leur capacité.

Mais l’investissement de « Kids of Pavlovska » va au-delà de ces démarches. L’association bénéficie en effet de son propre studio d’art, qui remplit plusieurs fonction : art-thérapie, fundraising, et sensibilisation au handicap. Les toiles, réalisées avec du matériel professionnel par les personnes handicapées prises en charge au sein de l’association, séduisent des particuliers mais également des restaurants et des cafés pétersbourgeois ; les acheteurs, qui soutiennent la cause de l’association, se font par la même occasion prescripteurs d’une vision dynamique et positive autour du handicap. Par ailleurs, la réalisation de ces peintures est à la fois un moyen d’expression pour les artistes handicapés, mais permet également la création d’un lien saint, plus valorisant que condescendant, avec la société. L’association a créé un rendez-vous annuel afin de faire connaître sa cause et de lever des fonds : le « cinnamon cake festival » (festival des gâteaux à la cannelle) ; durant une journée, les bars, cafés et restaurants pétersbourgeois reversent les profits de leurs ventes de cinnamon cakes au profit de l’association.

En apportant un nouvel espoir, l’association « Kids of Pavlovska » participe à la construction d’un nouveau type de prise en charge des personnes handicapées en Russie.

« Je veux vivre dans un monde où le diagnostic n’est pas une fin. »

Evguenia, co-fondatrice de l’association Kids of Pavlovska

 

 

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