31 mai 2016. Près de trois mois ont passé depuis notre départ de France… Trois mois, et combien de rencontres, de découvertes, de questionnements sur le monde et sur nous-même ? Trois mois qui nous paraissent à la fois si brefs et si longs. Trois mois qui nous ont transformés autant que des années entières.

Baignés dans un silence profond, nous cherchons à avoir une pensée pour toutes les personnes rencontrées en Amérique du sud, depuis que nous avons foulé le sol de Buenos Aires. En nous remémorant les visages de ceux que nous avons croisés et en songeant plus fort que jamais à tous ceux que nous aimons en France, nous marchons. On s’avance, Camille et moi, sous le ciel orageux de Lima, dans cette allée bordée de grands palmiers, comme on s’enfonce en soi-même.

Si nous sommes particulièrement émus, en ce mardi 31 mai 2016, c’est parce que le vent poisseux qui souffle entre les ramures sèches des palmiers et rend nos corps moites s’en vient de l’ouest. Du large.

L’odeur de cet air chaud nous parvient comme une récompense inespérée, au terme des quelques huit mille kilomètres que nous avons parcouru, depuis le 3 mars, en transports en commun et à pied. Nous croyons halluciner en nous saoulant de ce parfum salé d’iode, d’algues, d’océan.

Nous n’en croyons pas nos propres yeux, et pourtant, nous ne rêvons pas. Au pied de cette falaise noirâtre et mélancolique qui sert d’assise à Lima, des vagues se brisent bien sur les galets. Le fracas des rouleaux nous fait trembler de tous nos membres. Ce grondement nous laisse sans voix, face au plus grand géant du monde. L’Océan Pacifique s’étend à perte de vue, comme une immense nappe jetée là, entre Amérique et Asie.

Durant quelques instants, nous éprouvons un sentiment d’accomplissement : le Pacifique atteint et ce périple sud-américain achevé, c’est une page de notre voyage sur qui se tourne. L’écume nous détrempe, et l’océan nous en impose comme un Rubicon. Passer, ou ne pas passer : là est la question. Le Pacifique se dresse devant nous comme un défi. Il est l’inconnu, l’incertitude de l’avenir.

Nous qui nous étions petit à petit acclimaté à la sociabilité argentine, bolivienne, péruvienne ; nous qui avions vécu la vie quotidienne d’habitants de ces différents pays ; nous qui avions fait de l’espagnol notre première langue ; nous qui commencions seulement sans doute à mieux comprendre toutes ces cultures ; voilà que nous allions brusquement basculer dans une autre Amérique. Celle des Etats-Unis. De la Californie. Los Angeles : notre pont vers l’Asie…

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